venerdì 25 ottobre 2013

Y a-t-il une «théorie du genre» ? - Par Les éveilleurs dans Anthropologie le 25 Octobre 2013



Mme Vallaud-Belkacem, porte-parole de l’actuel gouvernement, a affirmé qu’il n’y avait pas de « théorie du genre ». Le débat est clos ; La polémique est nulle et non avenue ! Il est intéressant de constater que l’autorité politique tranche ainsi une question d’ordre théorique. Le Politique doit avoir ses convictions ; mais doit-il décider d’autorité de ce qu’il doit en être d’un problème qui relève d’un champ théorique d’interrogation ? L’attitude de la porte-parole est d’autant plus douteuse que ces questions scientifiques, d’abord sont problématiques du point de vue de  leurs fondements, ensuite  paraissent dogmatiquement vouloir venir orienter dans une large mesure la politique actuelle.

La « théorie du genre » renvoie-t-elle à quelque chose ou pas ? Faut-il parler plus adéquatement d’ « études de genre » ? Pourquoi insister sur cette différence d’appellation ? Parce qu’il y a eu un glissement depuis le cadre des « études de genre » vers ce qu’on peut appeler une « théorie du genre ». Nous nous poserons ici la question de savoir quel est le fondement de ce cadre théorique afin de décider s’il s’agit là d’une théorie comme une autre ou bien si l’interprétation du réel qu’elle engage, loin d’être neutre, pourrait avoir des conséquences fâcheuses voir idéologiques.

I/ La base médicale et psychologique des « études de genre »  ;:

La notion de « genre » renvoie à la question de l’identité sexuelle de tout un chacun. Les « études de genre » tendent à montrer que cette identité est intégralement construite culturellement, la différenciation sexuée naturelle, comme fait biologique, étant alors minimisé voire niée. La mise en place d’un tel cadre d’étude a une histoire qui commence avec des recherches à la croisée de la médecine et de la psychologie.

D’origine américaine, les « études de genre » (« gender studies ») étaient au départ – dans les années 1930 – les « women studies »[1] ; leur champ d’étude concerne les rapports de pouvoir entre hommes et  femmes, les politiques mises en œuvre et les différences sociales liées au sexe biologique. Dans les années 70, certains mouvements féministes radicaux proches des thèses marxistes s’en sont emparés. Les différences ont été appelées « inégalités »[2] et la répartition des tâches renommée « assignation sexuelle » ; ce glissement a permis d’introduire les concepts de « domination masculine », de « patriarcat », voir « d’oppression »[3]. Pour ces mouvements extrémistes, on peut raisonnablement parler de croisade contre le sexe masculin, présenté comme le mal absolu, l’oppresseur, le responsable de toutes les violences et injustices. Judith Butler est depuis revenue sur la radicalité de ses propos ; il n’empêche que ceux-ci ont eu une postérité certaine.

En ce qui concerne les postulats de ce que l’on peut légitimement appeler une « théorie du genre », il faut aller voir du côté de la philosophie constructiviste (Derrida, Deleuze, Foucault) selon laquelle tout ce qui est humain est intégralement construit, relatif, si bien que tout peut être légitimement déconstruit et reconstruit. Plus largement, nous sommes dans l’héritage de la pensée de Nietzsche, penseur allemand du XIX°siècle[4]. Nier qu’un cadre théorique oriente la lecture des faits est une absurdité. Aucune science, digne de ce nom, n’est dans une lecture brute des faits. C’est bien un arrière-fond théorique et philosophique qui a  orienté les recherches scientifiques et la pratique médicale de John Money[5], psychologue au Johns Hopkins Hospital à Baltimore, dans les années 1950. Pour celui-ci, l’identité sexuelle n’est pas clivée chez l’enfant qui est neutre, indéterminé initialement, si bien qu’il serait possible de «  réassigner le masculin en féminin » par exemple. L’identité sexuelle serait donc une question de perception par le sujet de sa propre identité sexuelle. Pour distinguer le sexe biologique du sexe culturel, construit, que chacun peut « choisir », on parle alors d’« identité de genre » plutôt que d’identité sexuelle.

Ces études médico-psychologiques et les pratiques qui en découlent n’ont pas fait l’unanimité ; ce qui n’a rien d’étonnant dans un contexte scientifique : c’est le propre de la science en effet que de discuter, d’interpréter les faits qui jamais ne vont de soi. Milton Diamond, un biologiste qui intègre en 1958 le laboratoire de recherche de l’anatomiste William C. Young à l’Université du Kansas, va mener des expériences[6] qui vont montrer  le caractère douteux du postulat et des prospectives de Money. Diamond publie une thèse (en 1965) qui, au final, rejette formellement la théorie du John Hopkins (et de Money) décrite comme « spécieuse, prétendant que l’homme est totalement séparé de son héritage évolutif ». Il pose comme base que les facteurs prénataux définissent les limites dans lesquelles la culture, l’apprentissage, l’éducation et l’environnement peuvent influer sur l’identité de « genre » pour les humains ; il cite à l’appui quantité d’évidences issues de la biologie, la psychologie, l’anthropologie, l’endocrinologie pour démontrer que « l’identité de genre » est inscrite dans les connexions du cerveau virtuellement depuis la conception. Concernant les cas d’indétermination sexuelle, il pointe que l’ambivalence apparente de la sexualité est liée à une ambivalence génétique ou hormonale au cours de la gestation ; ambivalence que les enfants génétiquement normaux ne partagent pas. Il achève sa critique des affirmations de John Money en soulignant l’absence d’un cas décisif : « Pour conforter une telle théorie, nous n’avons vu aucun exemple d’individu normal, d’apparence clairement mâle, éduqué avec succès comme une fille. » Il ajoute « Si un tel cas existe, il n’a pas été porté à l’appui de la théorie de la « neutralité à la naissance » ; on peut supposer qu’un tel cas sera difficile à trouver. »[7]

L’idée de Diamond n’est pas le fait d’une spéculation scientifique isolée. En 1959, trois chercheurs canadiens avaient publié une étude[8] très critique sur les conclusions de l’équipe du Johns Hopkins, en pointant notamment de sérieuses failles méthodologiques statistiques : « Ces chercheurs échouent à relier les composantes physique et psychologique d’une personne dans son ensemble, et considèrent seulement certains aspects sans soumettre ces comparaisons à une validation mathématique ». En conduisant leurs propres recherches sur une cohorte de 17 patients intersexués, les chercheurs canadiens prirent des précautions ignorées par l’équipe de John Money : deux équipes indépendantes, abordant l’angle psychologique pour l’une et endocrinien pour l’autre, avec un groupe témoin composé de personnes diverses, homosexuelles, transgenres ou normales. Les résultats montrent qu’il est dangereux de préjuger l’absence « d’identité de genre » dans les cas d’intersexualité, et que l’état des chromosomes, gonades ou hormones peut prédisposer l’enfant à s’identifier davantage avec un sexe qu’un autre à l’âge adulte. L’article mettait enfin fermement en garde contre un acte chirurgical précoce.

Money reste malgré tout dans son idée. Dans l’absolu, il n’y a à cela rien d’étonnant : être scientifique, c’est toujours poser un cadre interprétatif et s’y tenir, dans le cadre de ses recherches. Cela dit, le scientifique doit aussi être capable de renoncer à ce cadre interprétatif si son invalidité est théoriquement démontrée.[9] Un cas va toutefois se présenter et permettre à Money d’essayer de tester et d’asseoir sa théorie d’une réassignation du masculin en féminin : c’est celui d’un des jumeaux Reimer, victime à 8 mois d’un accident qui détruit son pénis. Les parents désespérés ont connaissance de John Money par une émission télévisée (CBC 1967) ; contacté, celui-ci les accueille naturellement à bras ouverts et parvient à les convaincre de castrer le jumeau accidenté, sans leur dire que c’est une première, ni prendre l’avis de son équipe. Le petit Bruce devient Brenda. Les parents suivent docilement toutes les injonctions de Money et l’élèvent comme une fille. Régulièrement ils rencontrent Money qui suit l’évolution et passe un moment seul avec ‘Brenda’ ; une fois adulte et redevenu David, il parlera enfin de ces rencontres cauchemardesques qui provoquent à l’approche de la puberté un rejet violent, accompagné de crises profondes, jusqu’à ce qu’une psychologue parvienne à convaincre les parents Reimer de lui dévoiler la vérité sur sa naissance. Plus tard David décrira ses sentiments à cet instant : incrédulité, stupéfaction, colère, mais surtout : « j’étais soulagé ; soudain tout prenait sens dans ce que je ressentais ; je n’étais plus une sorte de monstre ; je n’étais pas fou. »[10] Cela n’empêche aucunement John Money de publier dans le même temps des articles vantant le succès de son expérience, qui lui valent une notoriété mondiale. Il continue à soutenir la thèse du bénéfice pour l’adulte d’une « réassignation en fille » de bébés mâles nés sans pénis normalement constitué. Y compris après que ‘Brenda’ ait pris la décision de retrouver son sexe d’origine – sous le nom de David – et coupé tout lien avec lui[11]. Mais il prend soin de cacher soigneusement son identité à tout autre chercheur. L’inconsistance de ces théories saute pourtant aux yeux pour deux raisons élémentaires : d’abord parce qu’aucune étude systématique de suivi n’a jamais été publiée par John Money ou le Johns Hopkins, démontrant ces prétendus ‘bénéfices’ ; ensuite parce que le seul cas de suivi est celui de Bruce-Brenda-David Reimer, qui s’est avéré un échec patent.

A la suite des expériences de Milton Diamond, une étude désormais classique est menée à l’Université d’Oxford en 1971 ; elle met en évidence une différence anatomique entre les cerveaux des rats mâles et femelles. Six ans plus tard les chercheurs de l’UCLA cernent cette même différence dans un groupe de cellules de l’hypothalamus humain. Une étude menée à Amsterdam au milieu des années 80 localise plus précisément l’aire concernée de l’hypothalamus, deux fois plus importante chez les homosexuels. Certaines études ultérieures, pas encore confirmées, tendent à identifier un motif particulier sur le chromosome X de garçons homosexuels. D’autres études comportementales montrent une différence significative des comportements de bébés de 9 mois confrontés au choix de jouets sexués qui leur sont présentés (Pr. Trond Diseth, Université d’Oslo), voire dès la naissance (Pr Simon Baron-Cohen, Cambridge). Une étude statistique d’une étendue sans précédent (plus de 200.000 réponses sur toute la planète) met en évidence une différence sexuée des choix professionnels, indépendamment des cultures (Pr Richard Lippa, U. Fullerton, Californie).

II/ Enjeux autour de la question du « genre »  ;:

Toutes ces études médicales citées ci-dessus sont intéressantes et d’un apport précieux ; elles ne sont pas non plus sans risque épistémologique. Si elles tendent à montrer que le sexe n’est pas qu’une construction culturelle (et tendent à invalider une « théorie du genre »), il faut veiller aussi à ne pas tomber dans l’excès inverse qui serait le suivant : l’homme n’est pas que son corps. Nous ne sommes pas que du biologique ou du physiologiquement prédéterminé. La donnée culturelle dans la construction de soi est bien évidemment essentielle ; nous affirmons seulement ici que le culturel ne se construit pas à partir de rien et qu’il faut penser l’humain dans son intégrité, naturelle et culturelle à la fois. C’est sur la base de ce qui nous détermine, sans préfixation absolue, qu’il faut penser notre liberté. Nous renvoyons dos à dos l’idée que notre liberté serait absolue sans que rien ne vienne l’orienter d’une part, ainsi que l’idée que tout serait fixé d’avance (ce qui conduirait à l’absence de liberté) d’autre part. Voyons de plus près ces deux écueils.

Tout d’abord, le « biologisme » ou l’idée selon laquelle nous serions intégralement ce à quoi notre corps nous prédispose pourrait avoir (et a eu déjà) de funestes conséquences. Cela fut le lit de thèses naturalistes et racistes développées au XIX° siècle, thèses non seulement inacceptables moralement mais aussi infondées scientifiquement. Il s’agit par exemple des théories de Lavater avec la physiognomonie et de Gall avec la phrénologie : dans la première, il s’agissait d’affirmer que ce que nous sommes est déterminé intégralement par  la physionomie ; pour la seconde, ce sont les formes du crâne qui nous prédétermineraient (de là vient l’expression la « bosse des mathématiques », ou bien, la moins sympathique – par ce qu’elle suppose et implique en terme d’accusation et de culpabilité – « bosse de la criminalité »…). Hegel, dans la 3° partie de la Phénoménologie de l’Esprit, dans le moment consacré à la « raison observante », dénonce ces pseudo sciences en affirmant que  « l’Esprit n’est pas un os. »

Poser que l’homme ne se réduit pas à sa constitution physique et corporel est indéniable. Affirmer que l’homme se construit, y compris dans son identité sexuelle à la croisée de son éducation, de son caractère, de son histoire, etc. nous ne le nions pas. Dire que les garçons et les filles sont égaux, selon le principe d’une égalité de droit absolue, il ne nous vient même pas à l’esprit de le remettre en cause. Affirmer par contre que tout individu est universellement indifférencié selon une identité unisexe et que la distinction homme/femme n’a aucune incidence, nous ne pouvons l’accréditer. Si une thèse a toujours ses limites, il ne convient pas de se jeter à corps perdu dans la thèse adverse sans en mesurer les présupposés et les implications. Nous tomberions en effet dans le deuxième écueil évoqué ci-dessus et qu’il nous faut analyser maintenant. Simple question de prudence !...

Ce que nous sommes repose-t-il intégralement sur ce que nous avons choisi d’être ? Nous sommes-nous intégralement construit indépendamment de toute prédisposition naturelle ? Ce qui ici est présupposé, c’est que nous serions ce que nous choisirions d’être. Tel est l’arrière-fond théorique des « études de genre » qui ne suppose aucune détermination initiale, pas même sexuelle. Au fond, la sexualité ne serait qu’une question de pratique, pas de nature. Nous serions ce que nous faisons, ce que nous avons décidé d’être et non pas ce que la nature (ou toute autre instance ou entité) nous demanderait d’être ou d’accomplir. On reconnaît ici (en plus des influences de la philosophie constructiviste et des autres philosophies évoquées ci-dessus) une influence certaine de la pensée de Sartre et de l’existentialisme athée. Dans L’existentialisme est un humanisme, Sarte explique que nous sommes ce que nous choisissons d’être, si bien qu’aucune « essence » ne prédétermine nos choix. « L’existence précède l’essence », ce qui veut dire que notre vie est ce que nous aurons décidé d’en faire ; aucune instance extérieure (la nature, Dieu, l’inconscient,…) ne vient influer sur nos choix. Nous sommes « condamnés à être libre » et rien ne peut être une « excuse » (ex-causa : idée d’une cause extérieure). Nous ne pouvons nous dédouaner  de quoi que ce soit et chercher ailleurs qu’en nous la cause de ce que nous sommes et faisons.

Ce que dit Sarte est très juste dans la mesure où cela met l’accent sur notre liberté et son caractère absolu, séparé de tout déterminisme. Cependant, est-il certain que  notre liberté s’exerce indépendamment de toute influence ? Il est possible de ne pas rester indéfectiblement attaché à la pensée de Sartre. C’est d’ailleurs ce que font les partisans de la « théorie du genre » puisque, d’une part, de Sartre ils héritent de cette idée d’une liberté absolue, indéterminée dans son essence ; mais d’autre part, ils acceptent le fait que l’on puisse, voire que l’on doive agir en fonction de nos tendances, de notre « nature ». Le concept de « nature » ici est compris dans un sens non pas moral (le devoir que l’homme devrait accomplir), mais plutôt physiologique (il nous faudrait aller dans le sens de nos pulsions). Quoi qu’il en soit, il faut constater ici que le concept de « nature » n’est pas complètement abandonné, au contraire. Il est recompris. L’« essence », le naturel duquel Sartre voulait se débarrasser (puisque rien ne devrait précéder nos choix) revient ici au galop : le parricide est commis !... Pour les partisans du « genre », tout ce qui culturellement influencerait l’individu (la tradition, la religion, l’idée d’autorité..) serait « construit » et qualifié de « stéréotype » culturel (et se trouverait de ce fait disqualifié). Au nom de la liberté déchaînée (sans chaîne), il faudrait les déconstruire. Par contre, les influences de la « nature » (à comprendre dans un sens naturaliste et physiologique) seraient à écouter et à exécuter. Qui irait dans le sens de ses pulsions ne serait pas prisonnier ; il ne ferait qu’accomplir sa « nature » authentique.

Or, d’un point de vue strictement théorique, il est possible de contester de tels présupposés ainsi que leurs incidences, parce qu’ils véhiculent  une compréhension insuffisante voire immature de la liberté. Cette dernière ne peut, selon nous, être seulement comprise à partir de l’idée de plénipotence : la toute-puissance est un moment nécessaire de la liberté, mais il faut aussi considérer qu’être libre, c’est aussi choisir et se nier comme liberté. Pour se déterminer (et sortir de l’indétermination initiale), il faut savoir où aller. Par conséquent, nous postulons, à l’inverse de ce qu’affirme le cadre théorique des études de genre, que le concept de liberté ne peut être dissocié du concept de vérité. Sans vouloir imposer un ordre arbitrairement préétabli, il faut considérer que tout choix ne nous structure pas également ; tout ne nous édifie pas. Les choix sont donc à évaluer ; la tradition et la culture, en ce sens, sans être des références absolues, peuvent être un précieux soutien.

Il n’y a donc pas de liberté réelle sans connaissance de ce que nous devons faire ou choisir. C’est sur la base de la connaissance des adultes que la liberté de l’enfant par exemple se structure. Nous sommes de ceux qui philosophiquement pensent que l’autorité (auctor, « faire grandir », étymologiquement en latin)  et la tradition (tradere, « transmettre ») sont les conditions sine qua non de la construction du soi, si bien que tout déracinement aurait sur l’individu des conséquences catastrophiques.[12]

D’un point de vue pratique ensuite, c’est-à-dire quand la théorie veut régenter les comportements, il y a une intention que l’on peut être amené à discuter. Notre inquiétude devient légitime quand cela veut se traduire dans des mesures politiques. Le risque d’endoctrinement idéologique et les dérives totalitaires sont, à notre avis, bien réels. Que voulons-nous dire ? Sommes-nous en train d’exagérer démesurément les enjeux ?

Pour répondre à cette question, il nous faut voir ce que l’on entend par idéologie d’une part et par totalitarisme d’autre part. Hannah Arendt a très précisément pensé la chose dans un ouvrage intitulé les Origines du totalitarisme.  Au Chapitre IV du tome III (intitulé « Idéologie et terreur »), Arendt  définit l’idéologie comme « la logique d’une idée » qui a l’apparence d’une « théorie scientifique » mais n’en est pas une.  Une idéologie n’est pas en effet  un ensemble d’énoncés sur quelque chose qui est, mais le déploiement d’un processus perpétuellement changeant, une logique dans le cadre de laquelle tout le réel doit entrer. Il s’agit d’une espèce de « trou noir »[13] de la pensée qui est tel que  l’enchaînement des événements est censé obéir à une  même « loi », à une logique de l’idée.

Dans le nazisme[14] par exemple, la loi en question (prétendument scientifique), c’est la supériorité de la race ; dans le communisme bolchévique, c’est le mouvement de l’histoire qui dans toute société fait que l’égalité s’accomplira (avec l’idée d’une lutte des classes). Par conséquent, une idéologie se caractérise de la façon suivante : elle prétend tout expliquer, et dans cette perspective, elle s’affranchit de toute expérience dont elle ne peut rien apprendre de nouveau, même s’il s’agit de quelque chose qui vient de se produire. En conséquence, toute relation avec la réalité est ruinée. Le paradoxe, c’est qu’une idéologie est plus facile à croire que la réalité elle-même, parce que le réel est toujours trop complexe pour notre raison qui ne peut jamais rendre compte de tout absolument ; alors que l’idéologie résoud ce problème : elle simplifie de façon simpliste ; elle est donc plus crédible que le réel lui-même.

Une idéologie ne fait-elle pas ce que toute science fait (simplifier, schématiser) ? Tout savoir serait-il par essence idéologique ? Pour répondre à cela, nous dirons qu’un savoir digne de ce nom ne prétend jamais se substituer au réel, ni l’appréhender de façon simpliste. Le schéma n’est pas la caricature. L’auxiliaire de l’entendement qu’est la schématisation ne doit pas être une substitution de la raison au réel. Il y a là un vrai risque, déjà perçu par Bacon au XVI° siècle. Dans le Novum Organum, celui-cinousmettait en garde, d’un point de vue scientifique,  contre cette prétention de l’esprit humain qui consiste à vouloir tout enfermer dans ses concepts au risque de se couper de la nature à laquelle « on ne commande qu’en lui obéissant ». Dans l’aphorisme 45, il nous dit que  : "L'entendement humain, est porté à supposer dans les choses plus d'ordre et d'égalité qu'il n'en découvre ; et, bien qu'il y ait dans la nature beaucoup de choses sans concert et sans pareil, cependant, l'entendement surajoute des parallèles, des correspondances, des relations qui n'existent pas." [Nous soulignons]. Le travers est tel que « L'entendement humain, une fois qu'il s'est plu à certaines opinions (parce qu'elles sont tenues pour vraies ou qu'elles sont agréables) entraîne tout le reste à les appuyer et à les confirmer ; si fortes et nombreuses que soient les instances contraires (...) non sans une présomption grave et funeste » (aphorisme 46). Pour Bacon, ce qui permet d’éviter les risques de la spéculation creuse, ce sera, scientifiquement, la mise en place de la pratique expérimentale qui permettra de garder un lien avec la nature que nous tâchons d’expliquer. Mais comment éviter ce risque lorsqu’on se situe dans le giron des sciences humaines, essentiellement interprétatives et qui peuvent amener à des considérations  contradictoires mais légitimes ? En ce qui concerne les études de genre, sommes-nous dans un cadre théorique recevable ou bien peut-on (et au nom de quoi) qualifier ce cadre d’idéologique ?

Tout d’abord, les sciences humaines, quoiqu’interprétatives, ne sont pas par nature idéologiques, leur but étant  de tenter de comprendre le réel : pour ce faire, elles doivent justifier des faits sur lesquels elles s’appuient, d’une part ainsi que l’orientation interprétative qu’elles donnent à ces faits. La théorie du genre reste-t-elle dans ce contexte scientifique classique ?

La difficulté, c’est que le postulat initial (« le sexe est une construction ») tend  à se couper de sa base factuelle, à savoir la différenciation sexuée, puisque celle-ci est considérée comme accidentelle et secondaire. Le risque d’une interprétation qui se coupe du réel est donc bien présent. Présenter ensuite cette lecture comme une relecture des faits dans leur nudité (comme les tenants de cette théorie le font), voilà un manque de distance critique qui ignore complètement ce que penser le réel présuppose et engage ; voilà une attitude qui voudrait faire prendre pour « argent comptant » ce qui n’est qu’une vision, une interprétation du réel. Qu’enfin cette lecture aille dans le sens d’une justification d’une « liberté absolue » (dont nous avons vu qu’elle n’était cependant pas si absolue parce qu’attachée à une redéfinition du concept de nature) pour justifier toutes les tendances et orientations sexuelles (puisque l’identité  sexuelle est assimilée à nos actes), il semble que nous soyons bien ici dans une lecture simpliste, agréable, confortable du réel parce qu’elle permet, sur une base prétendument vérifiée scientifiquement et médicalement, de justifier tout type de comportement.  Nous ne sommes pas des moralistes, chacun fait ce qu’il veut. Ce qui par contre devient ennuyant, c’est que cette base théorique oriente le politique qui, sur une « base scientifique », pose des règles qui deviennent contraignantes. Et la base de la contrainte est ici la permissivité. Or, une loi qui vient cautionner des pratiques en mouvement si bien que les repères clairs, objectifs, réalistes volent en éclat, voilà qui ressemble à une loi idéologique.

En conséquence, sur la base des présupposés théoriques des études de genre et en vertu des conséquences pratiques et politiques qu’ils engagent, il nous paraît légitime de penser que des dérives idéologiques (en fonction de ce qui a été défini ci-dessus) sont non seulement possibles mais certaines. Plus encore, ces dérives sont même effectives et peuvent être mesurées à partir de l’évaluation de ce qui se passe en France en particulier et ailleurs dans le monde. Le problème ici n’est pas seulement celui de l’identité ou des mœurs sexuelles. Quelques exemples nous permettent de penser que les idées se nivellent dans notre pays de façon dangereuse : quand l’Etat réprime des manifestations pacifiques comme celles des « veilleurs », défenseurs de la famille et de la tradition, la liberté de penser et de croire, quoiqu’affirmée dans nos institutions (article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen notamment), se trouve bafouée en acte. Quand l’Etat interdit la liberté de conscience des maires[15] par rapport à l’application de la loi sur le « mariage pour tous », le même article de loi subsiste mais ne protège plus les citoyens. Un parallèle surprenant et troublant peut être fait  avec ce qu’écrit Arendt (ce qui n’est pas pour nous rassurer) : au chapitre II de l’ouvrage cité ci-dessus[16], elle explique que ni les nazis ni les bolchéviques jamais n’abolirent les constitutions politiques dans lesquelles ils sont parvenus au pouvoir : jamais Hitler, par exemple, n’abolit la Constitution de Weimar ; Stalline quant à lui fit rédiger une constitution en 1936 (avant de faire exécuter ensuite la quasi-totalité de ses rédacteurs… !). C’est que, explique Arendt, ce qui compte dans le système totalitaire, ce n’est pas la législation mais la « constante marche en avant vers des objectifs sans cesse nouveaux », c’est-à-dire la pensée en mouvement de l’idéologie. En pratique nous dit Arendt c’est, contrairement à ce que l’on peut croire, un  état permanent d’anarchie (et non un ordre établi) qui s’impose politiquement. Adolph Hitler disait que « l’Etat total doit ignorer la différence entre la loi et l’éthique » (si la loi coïncide avec l’éthique commune, il n’est plus nécessaire de rendre les décrets publics)[17]. Avons-nous atteint le « point de Godwin », l’argument-injure qui permet de désamorcer toute réflexion ? Nous ne voulons pas nous situer dans l’affectif, mais bien dans l’analyse rationnelle des faits. L’Etat peut nier [18] ; dans la pratique, nous constatons que dans les faits les citoyens ne sont plus protégés par les textes. Les tendances totalitaires ne sont donc pas un fantasme mais une réalité. Certes, nous n’en sommes pas à un totalitarisme abouti avec sa milice, ses camps de concentration… Des agissements de la police qui vont dans le sens d’une police de la pensée sont déjà perceptibles ; une interprétation déviante des textes se met en place au niveau de l’encadrement politique mais aussi au niveau de la perception de ces faits par l’opinion publique (qui pense que le fait religieux doit par exemple être éradiqué du domaine publique : la plus grande vigilance de la part des citoyens est donc  de mise…

En conclusion …

L’affirmation selon laquelle il n’y aurait pas de « théorie du genre » nous paraît suspecte : on ne se fâche pas, on ne cherche pas à tourner l’autre en ridicule (surtout quand celui-ci est quelqu’un qui cherche à réfléchir et à dialoguer) quand on n’a rien à se reprocher. Il y a là un déni de la part de la pensée majoritaire dont nous avons essayé de mettre à jour les présupposés.

Aujourd’hui, quand vous n’êtes pas dans le giron de la pensée majoritaire et que – conséquence logique – vous vous retrouvez en situation de minorité, vous avez vite fait de passer pour un imbécile, un attardé que l’on peut impunément mépriser, insulter. Quelle grandeur d’âme, surtout quand les tenants de la pensée majoritaire, auteurs de ces griefs, se revendiquent des valeurs de tolérance, de  liberté de penser et des droits de l’homme… Depuis l’intimidation jusqu’aux menaces effectives, on demandera à toute pensée réputée discordante, de se taire. La raison profonde d’une telle attitude, c’est que dans les temps d’uniformisation et de mimétisme que nous vivons, chacun est amené à penser la même chose. Penser différemment, ce serait paradoxalement se risquer et s’exposer à ne plus exister (tout simplement parce que celui qui ne rentre pas dans les rangs de la pensée unique n’existe pas). Pourtant, penser, c’est se singulariser, s’affirmer dans son unicité, exister vraiment pour entrer en relation, se risquer sur le terrain d’une parole commune afin d’essayer de construire une communauté humaine, plus humaine. Faire pression sur la possibilité de parler,  voilà qui porte atteinte à notre condition humaine profonde pour réduire celle-ci au rang de chose maîtrisable – méprisable ? –. Cet état de fait, les « éveilleurs de conscience » le refusent.

            A propos du « genre », parler de l’égalité entre filles et garçons et de « l’éducation à égalité de genre », c’est à la fois faire référence à un postulat incontestable (celui de l’égale dignité et de l’égalité en droit de tous les individus, quelles que soient leurs conditions d’existence) ; mais c’est aussi faire référence à cette nébuleuse de recherche qui n’est pas neutre. Le débat est devenu polémique si bien que l’alternative est la suivante : soit l’on  se situe du côté de la parole autorisée des défenseurs et promoteurs de ces études, soit  l’on se situe du côté de ceux qui veulent discuter (c’est le cas des « éveilleurs de conscience ») de la légitimité et de la pertinence de telles études. Dans ce dernier cas,  nous prenons le risque d’être raillés, humiliés : on nous regardera avec dédain et on nous classera du côté des archaïsants, des ringards fermés et dogmatiques, des réfractaires à tout progrès de la pensée et à la modernité ; bref, on nous figera et on nous tuera intellectuellement derrière l’étiquette de  « réactionnaire ». L’alternative qui consiste  soit à louer les « études de genre », soit à être sommé de se taire ne satisfait ni notre curiosité intellectuelle ni notre esprit critique. C’est pourquoi nous prenons le risque et le temps de parler, d’expliquer, d’informer et de former.

Nicodème

[1] Nous reprenons largement ici la présentation intéressante des « Enseignants pour l’enfance » dont le lien est : www.enseignants-pour-enfance.org/spip.php?article32

[2] Cela est repris par Françoise Milewski, IEP de Paris, in le journal L’Express de septembre 2011. Françoise Milewski est Chargée de mission auprès du Président, Coresponsable du Programme de Recherche et d’Enseignement des SAvoirs sur le Genre (PRESAGE). Elle est Membre de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, Membre du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, en qualité des personnes désignées en raison de leur compétence ou de leur expérience

[3] Résumé dans Trouble dans le genre, pour un féminisme de la subversion de Judith Butler, paru en 1990

[4] Pour Nietzsche, les valeurs morales sont des valeurs de haine de la vie, des valeurs de mort (nihilisme). Il faut selon lui subvertir ces valeurs obsolètes pour en reconstruire de nouvelles qui vont dans le sens de la vie désirante qui assume la vie dans l’instant, sans faux-fuyant moraliste.

[5] Né en 1921 en Nouvelle Zélande John Money fait un doctorat de psychologie à Harvard, puis intègre le Johns Hopkins Hospital de Baltimore en 1952 en tant que spécialiste des questions sexuelles. Brièvement marié (et divorcé) au début des années 50, il n’a jamais eu d’enfant. Promoteur de la pédophilie (cf. Time Magazine, avril 1980) et de l’homosexualité pédophile (cf. la préface à Boys ans their contacts with men de Théo Sandford, 1987, ouvrage qui fait l’apologie des expériences sexuelles entre jeunes garçons de 11 ans et hommes dans la soixantaine), il est fasciné par le pseudo hermaphrodisme (anomalies génétiques ou hormonales) et l’intersexualité (organes génitaux non clairement identifiés comme masculins ou féminins) sur lesquels il écrit une thèse (consultable uniquement par demande écrite à la Widener Library at Harvard University) soutenue en 1951. Celle-ci met en évidence le peu d’importance de l’aspect pathologique des organes génitaux et l’épanouissement des sujets qu’on laisse librement choisir à l’âge adulte, quelle que soit la façon dont ils ont été éduqués, dans une approche psychologique.

Au Johns Hopkins, il est amené à étudier 131 cas d’indétermination sexuelle sur lesquels il formule sa conviction que l’orientation masculin / féminin n’a pas de fondement biologique, inné. La publication qui accompagne cette affirmation lui apporte la célébrité malgré les graves entorses méthodologiques de l’étude. Par la suite il esquive toute discussion argumentée avec ses adversaires et se contente de les dénigrer, souvent violemment (cf. en fév. 1967, l’interview à l’émission de la CBC : This hour has seven days). Ses « théories » ont été largement invalidées à la fin des années 90, notamment par le Dr Milton Diamond, biologiste, mais également de manière indépendante par d’autres scientifiques de diverses spécialités.

[6] Les recherches portent sur le rôle des hormones au cours de la gestation : entre les 6ème et 8ème semaines, les cellules mâles XY commencent à produire de la testostérone, ce qui n’est pas le cas pour des cellules femelles XX. Cette présence – ou absence – d’hormones conduit à un développement différent des organes sexuels. La question que cherche à résoudre l’équipe est de savoir si cette présence, ou absence, d’hormones influe sur le développement du cerveau.

Il est mis en évidence que les fœtus femelles dont la gestation a été perturbée par des injections de testostérone présentent un comportement de mâle lorsqu’à la maturité sexuelle, ils sont mis en présence de femelles ; et cet effet se vérifie même en l’absence de modification apparente de l’appareil sexuel. Sans extrapolation trop hâtive par rapport aux comportements humains, un article publié (journal Endocrinology 1959) permet toutefois de parler d’un principe organisateur du comportement sexuel mâle adulte.

[7] Cf. Quaterly review of biology : « A critical evaluation of the ontogeny of human sexuel behavior »

[8] The canadian psychiatric association journal, 1959

[9] Kuhn montre, dans La Structure des révolutions scientifiques, qu’un chercheur mène toujours ses investigations dans un cadre appelé « paradigme », cadre herméneutique dans lequel le savant doit placer sa « confiance » car le paradigme est une « promesse de succès ». Il y a donc chez le scientifique aussi, une forme d’adhésion aveugle, de « foi ». Là où la science n’est pas foi religieuse cependant, c’est qu’avec un paradigme, il s’agit de comprendre rationnellement le réel ; si le cadre interprétatif rationnel présente des insuffisances, il y a un devoir théorique, au nom de la probité intellectuelle, d’y renoncer. Voici par exemple ce que dit Kuhn au chapitre 11 de l’ouvrage cité : « Celui qui adopte un nouveau paradigme à un stade précoce doit souvent le faire au mépris des preuves fournies par les résolutions de problèmes. Autant dire qu'il lui faut faire confiance au nouveau paradigme pour résoudre les nombreux et importants problèmes qui sont posés en sachant seulement l'incapacité de l'ancien à en résoudre quelques-uns. Une décision de ce genre relève de la foi. »[c’est nous qui soulignons] Puis : "Les scientifiques, étant seulement des hommes, ne peuvent pas toujours admettre leurs erreurs, même en face de preuves absolues (...). Dans ce domaine, il ne s'agit ni de preuve ni d'erreur. Quand on adhère à un paradigme, en accepter un autre est une expérience de conversion qui ne peut être imposée de force."

[10] Cela est rapporté dans As nature made him, de John Colapinto.

[11] C’est l’obstination de Milton Diamond qui lui avait permet de retrouver  la trace de David Reimer vers la fin des années 90 et qui avait poussé ce dernier à publier  – difficilement – un article démentant les affirmations antérieures de J.Money et s’achevant sur une recommandation forte : « Eduquer l’enfant dans une identité sexuelle claire, mais laisser tomber le scalpel. ».

De crises en crises difficilement surmontées, Bruce-Brenda-David Reimer finit par se suicider en 2004.

[12] Certes, il y a bien des exemples de déterminismes malsains. Le père qui boit ne peut vertueusement éduquer ses enfants à travers ce vice ; le mépris de la femme ne peut construire une saine estime de soi chez la fille ou chez le garçon qui voit ainsi traiter sa sœur ; il n’empêche qu’au sein de notre nature humaine bien imparfaite, c’est toujours sur la base d’un sol initial que la transmission s’opère et que l’individu se construit.

Hannah Arendt analyse cela de façon admirable dans le dernier chapitre du tome III des Origines du totalitarisme : l’absence de « sol » (entendons la tradition, la transmission, l’autorité) est la pire des choses : l’individu vit ainsi la dé-sol-ation. Il y a forcément dans l’existence des moments de « désolation » (ils entrent nécessairement en alternance avec ce qu’Ignace de Loyola spirituellement appelle les moments de « consolation »). Cependant, des mesures politiques qui iraient dans le sens de l’éradication du fait culturel et des réalités transmises auraient des conséquences  catastrophiques. Cela est étudié aussi dans La crise de la culture de Hannah Arendt encore : dans le chapitre « la crise de l’éducation », elle y explique que la démission des adultes (garants de la tradition, de l’autorité) est la cause essentielle de la crise du système éducatif dans l’Amérique moderne.

[13] L’expression n’est pas de Arendt mais elle est de notre fait. Un « trou noir », en astrophysique, est défini comme étant un « champ gravitationnel intense » qui absorbe toute particule de matière, y compris les photons. Dans l’idéologie, il y a une prééminence de la logique sur le réel, si bien que le réel « n’existe plus » et se trouve comme absorbé par ce champ gravitationnel intense de la pensée qui anéantit le réel.

[14] A l’époque où Arendt écrit (les années 1950, juste après la 2° guerre mondiale, nous n’avons connu que deux types de totalitarisme : l’Allemagne nazie et le bolchévisme. L’Italie fasciste (de même que l’Espagne franquiste par exemple) relèvent d’un schéma politique de tyrannie « classique » ; ce qui veut dire que le totalitarisme est une tyrannie d’un ordre nouveau et inédit, irréductible aux formes antérieures d’oppression. Elle expose tout cela de façon magistrale dans le tome III de l’ouvrage cité.

[15] Le refus récent de la part d’une haute juridiction de l’Etat français, le Conseil constitutionnel, en ce qui concerne la clause de conscience par laquelle un maire de la République pourrait, du fait de ses convictions profondes, ne pas vouloir marier deux personnes du même sexe, est tout à fait révélateur des temps que nous vivons. Selon la circulaire du Ministre de l’Intérieur M.Valls du 13/06/2013, un maire qui ne se plie pas à la loi risque 5 ans d’emprisonnement et une amende de 75 000 €.

[16] Les Origines du totalitarisme, tome III, p.172.

[17] Extrait de l’« avertissement » du Führer aux juristes en 1933, cité par Hans frank, Nationalsozialistische Leitsätze für ein neues deutsches Strafrecht.

[18] Comme la charte de la laïcité par exemple, qui n’abroge pas les lois anciennes, mais qui laisse entrevoir un durcissement laïciste radical de la notion de laïcité, ce qui met les textes de la République en auto-contradiction. Cf. notre analyse de la charte de la laïcité, de la « lettre à l’esprit » sur le site www.les-eveilleurs.com.



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